WSOP Paradise 2025 : Jean-Noël Thorel échoue à un souffle du bracelet, Bernhard Binder sacré sur le Super Main Event

Il y avait, sur cette table finale du Super Main Event à 25 000 $ des WSOP Paradise 2025, une sensation rare : celle d’assister à un moment-charnière pour le poker français. Vingt-quatre heures après le bracelet de Johan “YohViral” Guilbert, Jean-Noël Thorel s’avançait en position rêvée, chipleader au départ du dernier acte d’un tournoi gigantesque. Dans un field record de 2891 entrées, générant un prize pool de 72,275 millions de dollars, le joueur français avait l’occasion de signer une performance qui aurait marqué l’histoire. Au bout de l’effort, il ne manquera qu’une marche : Thorel termine deuxième pour 6.000.000 $, battu en heads-up par Bernhard Binder, nouveau champion pour 10 000 000 $.

Le scénario a longtemps ressemblé à un bras de fer à deux têtes. Très solide depuis les journées précédentes, Thorel a rapidement vu l’Autrichien revenir dans son sillage au lancement de la table finale. Dès lors, la dynamique s’installe : les deux hommes se relaient en haut du classement, se rendent coup pour coup, et imposent un tempo qui pèse sur toute la TF. Car derrière ce duel d’ego et de maîtrise, le casting n’avait rien d’un décor. On retrouvait notamment Eric Wasserson, vainqueur de bracelet et habitué des formats high stakes, Terrance Reid, visage médiatique du poker propulsé dans une deep run inattendue, ainsi que Natasha Mercier, référence du circuit et figure emblématique capable de faire basculer une table finale par son expérience.

Le début de journée se montre rapidement tranchant. Franco Spitale saute en premier, puis la table se resserre et chaque décision prend une dimension démesurée. Peter Chien est ensuite emporté, victime d’un runout défavorable, alors que le tournoi glisse vers une phase où l’edge se mesure autant à la technique qu’à la capacité à absorber la pression. Les éliminations s’enchaînent, mais sans donner l’impression d’une autoroute : la structure, les paliers, la profondeur… tout oblige à construire, à choisir ses spots, à accepter les revers.

Dans cette configuration, Thorel fait du Thorel. Difficile à lire, atypique, capable de prendre des lignes déroutantes qui cassent les automatismes, il force ses adversaires à jouer hors de leur zone de confort. Sur les plus grosses scènes, son style reste une énigme pour beaucoup, et c’est précisément ce qui fait sa force : il ne donne pas les mêmes repères qu’un régulier standard, ce qui complique la prise d’informations et ralentit les ajustements en face. À 78 ans, il prouve encore qu’il n’est pas seulement un passionné de high stakes : c’est un compétiteur capable d’aller au bout, même face à une génération ultra affûtée.

Le tableau final se dessine : Natasha Mercier s’arrête à la sixième place, Wasserson cède ensuite, puis Reid quitte le tournoi à la quatrième place. Dans le même temps, Belarmino De Souza se hisse sur le podium avant de tomber à la troisième place, laissant place au duel attendu. Le heads-up démarre alors sur un rythme particulier, presque étrange pour un affrontement à ce niveau : beaucoup de coups joués, peu d’énormes confrontations immédiates, comme si les deux joueurs refusaient de donner la clé trop tôt. Pendant près de quatre heures, Binder et Thorel se neutralisent, se testent, se reprennent, et font durer ce qui ressemble à un combat de position.

Bernhard Binder / Copyright WSOP

L’histoire est d’autant plus symbolique que l’affiche oppose deux extrêmes : 51 ans d’écart entre le plus jeune et le plus âgé de la table finale. Binder, 27 ans, profil marqué par le online, déjà capable d’accrocher un énorme titre plus tôt dans l’année avec une victoire sur un GGMillion$ pour 1,8 million de dollars, confirme en live sur une scène WSOP majeure. Thorel, lui, poursuit une trajectoire hors normes, nourrie par les Triton et les plus gros rendez-vous du circuit, où il s’est installé parmi les figures respectées.

La main finale viendra mettre un point brutal à cette longue résistance. Les tapis, désormais plus courts, obligent à franchir la ligne. Thorel s’engage avec Roi-Dame, Binder répond avec As-Huit et tient jusqu’au bout. Fin de parcours pour le Français, fin de rêve de bracelet sur ce festival… mais pas fin d’histoire. Avec 6 000 000 $, Jean-Noël Thorel signe le plus gros gain jamais enregistré par un Français sur un tournoi, conforte sa place de numéro 1 français à la all-time money list avec plus de 27 millions de dollars de gains, et s’installe encore un peu plus haut dans la hiérarchie mondiale.

Pour Binder, c’est une entrée fracassante dans une autre dimension : premier bracelet WSOP, un gain à huit zéros, et un statut qui change. Pour Thorel, c’est une nouvelle preuve qu’il reste, aujourd’hui encore, un acteur majeur du très haut niveau. Le bracelet attendra. Mais la performance, elle, restera.

Résultats

  1. Bernhard Binder – 10.000.000 $
  2. Jean-Noël Thorel – 6 000 000 $
  3. Belarmino De Souza – 4 000 000 $
  4. Terrance Reid – 3 000 000 $
  5. Eric Wasserson – 2 350 000 $
  6. Natasha Mercier – 1 800 000 $
  7. Peter Chien – 1 400 000 $
  8. Franco Spitale – 1 100 000 $