Derrière les sourires, les bracelets et les chiffres à sept zéros, une autre réalité s’impose chaque été à Las Vegas : celle des impôts. Et comme chaque année, le fiscaliste américain Russ Fox (cabinet Clayton Financial and Tax) s’est penché sur les gains réels des finalistes du Main Event des World Series of Poker (WSOP). En fonction du pays de résidence, du statut professionnel et des accords fiscaux entre États, certains joueurs repartent avec un jackpot… d’autres avec une ardoise bien plus légère.
Michael Mizrachi : 10 millions… moins les impôts
Le grand vainqueur 2025, Michael Mizrachi, empoche sur le papier 10 millions de dollars. Mais vivant en Floride, un État sans impôt sur le revenu, il n’échappe pas aux deux ponctions fédérales :
Federal Income Tax (impôt fédéral sur le revenu) Self-Employment Tax (impôt spécifique aux travailleurs indépendants, équivalent à nos cotisations sociales)
Résultat : 3,97 millions de dollars s’envolent, soit un gain net estimé à 6,03 millions — à condition bien sûr qu’il ait gardé l’intégralité de son action, ce qui reste très improbable dans ce genre de tournoi.
John Wasnock & Braxton Dunaway : les amateurs s’en sortent mieux
Deuxième du tournoi, l’américain John Wasnock habite dans l’État de Washington, qui ne prélève aucun impôt sur le revenu. Mieux : en tant que joueur amateur (et non joueur professionnel), il échappe également à la Self-Employment Tax. Le fisc fédéral prélève “seulement” 2,2 millions, et il repart avec 3,79 millions nets.
Même cas de figure pour Braxton Dunaway, joueur amateur domicilié au Texas (autre État sans impôt sur le revenu). Son gain brut de 4 millions se transforme en 2,52 millions nets.
Kenny Hallaert : le coup fiscal parfait
Le Belge Kenny Hallaert, installé à Londres, bénéficie d’un double avantage :
Le traité fiscal USA/Royaume-Uni exonère d’impôt les gains au jeu pour les résidents britanniques. Le Royaume-Uni ne taxe pas non plus les gains issus du jeu.
Bilan ? Les 3 millions de dollars remportés sont intégralement conservés. Hallaert, déjà finaliste en 2016, réalise ici une masterclass administrative.
Luka Bojovic : même topo depuis Vienne
Autre gros gagnant fiscal : Luka Bojovic, joueur pro serbe résidant à Vienne (Autriche). L’Autriche a également un traité fiscal avec les États-Unis qui dispense de prélèvement sur les gains de jeu, et n’applique aucune fiscalité locale sur ces revenus. Résultat : les 2,4 millions de gains restent dans sa bankroll.
Leo Margets : entre Andorre et IRS, ça pique un peu
Finaliste historique (première femme depuis 1995), Leo Margets aurait dû se voir ponctionner 47 % par le fisc espagnol. Mais depuis son déménagement en Andorre en 2023, le scénario change :
Andorre n’a pas d’accord de non-double imposition avec les États-Unis. Résultat : elle paiera 30 % d’impôt à l’IRS (Internal Revenue Service, le fisc américain), soit environ 705 000 $ sur ses 1,5 million.
Mieux que l’Espagne, certes, mais toujours loin des “zéro fiscalité” de ses collègues européens.
Daehyung Lee : welcome to tax hell
Premier Sud-Coréen finaliste du Main Event, Daehyung Lee encaisse 1 million, mais…
Pas de clause spécifique dans le traité fiscal USA/Corée du Sud concernant le jeu. L’IRS retient donc directement 300 000 $ à la source. À cela s’ajoutent les impôts coréens (jusqu’à 45 % + 10 % de surtaxe locale).
Après crédit d’impôt, son gain net final serait d’environ 517 000 $. À peine plus que le buy-in multiplié par 50. Brutal.
Et les autres ?
Adam Hendrix (Nevada) et Jarod Minghini (Nevada) voient leur gain réduit d’environ 37 à 38 %, sans impôt d’État mais avec taxation complète au niveau fédéral. Tous deux sont des joueurs professionnels, donc soumis également à la Self-Employment Tax.
Bilan : qui gagne vraiment ?
Sur 31 millions de dollars distribués à la table finale, 10 millions partent en impôts, soit plus de 32 % de ponction globale. Et encore, sans tenir compte des parts revendues (backing), des échanges d’action entre joueurs (swaps), ni des frais divers.
Surprise du classement :
Kenny Hallaert, officiellement 4e, devient 3e sur les gains nets. Luka Bojovic, 5e sur la table, dépasse le 3e en net. Le fisc coréen et l’IRS, eux, peuvent sabrer le champagne.
Morale ?
Dans un Main Event, mieux vaut parfois finir 4e à Londres que 1er en Floride. Et si vous rêvez de briller à Vegas… commencez par appeler votre conseiller fiscal.
