On le connaît pour ses décisions chirurgicales, sa posture impassible et cette capacité hors-norme à naviguer les spots les plus complexes comme s’il jouait en pilote automatique. Stephen Chidwick, c’est ce joueur dont on dit qu’il “ne tilt jamais”, qu’il ne parle presque pas, mais qu’il pense plus que tout le field réuni. Une énigme, une machine. Jusqu’à ce 21 juillet 2025, où il a publié un long message sur X. Pas une main disputée, pas une perf à sept chiffres. Juste des mots. Puissants, bruts, bouleversants.
Un cerveau hors-ligne, un cœur sous contrôle
“Hello X.” L’intro minimaliste ne laisse rien présager. Mais rapidement, la voix de Chidwick, calme et méthodique, nous entraîne dans un témoignage rare. L’Anglais lève le voile sur ce qu’il a toujours gardé hors des projecteurs : sa santé mentale, ses troubles, ses peurs, son rapport quasi phobique à l’exposition publique.
« J’ai construit ma carrière dans le silence. Pas parce que je n’avais rien à dire, mais parce que j’avais peur de parler. » Il évoque l’autisme, la bipolarité, l’obsession, l’épuisement social après une journée de live… Il raconte avoir parfois préféré se coucher affamé plutôt que de passer commande à un serveur. Pas par flemme. Par incapacité à socialiser.
Le paradoxe du numéro 1
Vainqueur sur tous les fronts — GPI #1 en 2019, vainqueur de tournois high roller en série — Chidwick a tout coché. Mais à quoi bon grimper au sommet si chaque faux pas devient une menace existentielle ?
« Maintenant que j’étais ‘le meilleur’, je n’avais plus le droit à l’erreur. » L’ego en surchauffe, la peur de décliner, les critiques anodines qui deviennent des flèches empoisonnées — “boring”, “robotic”, “sans personnalité”… — chaque mot touche juste. Il se sent fragile, pas à cause de la variance, mais parce qu’il cherche encore ce que ni les trophées ni le respect de ses pairs n’apportent : l’acceptation de soi.
Sublimation et rédemption
Ce message, c’est aussi celui d’une lente transformation. L’introspection devient une arme, un levier de performance. Il parle de thérapie, d’écoute de cette “voix silencieuse en lui”, de la place laissée à l’intuition, aux émotions. Des thèmes quasi tabous dans un milieu où tout est stats, range et GTO.
Et puis, il tend la main. À ceux qui, comme lui, ont parfois eu l’impression d’être seuls dans l’ombre. Il ne se positionne pas en modèle, mais en compagnon de route : « Si vous êtes dans le noir, sachez que ça peut aller mieux. Vous n’êtes pas cassés. Continuez. »
Un nouveau chapitre… en pointillés
Chidwick termine avec humilité. « Je suis nouveau ici », écrit-il. Pas pour devenir un twitto de plus, mais pour assumer cette nouvelle version de lui-même : vulnérable, sincère, humaine. Il ne promet pas d’être actif. Juste présent. De temps en temps.
Il n’a pas posté une main. Mais il vient de livrer le plus beau hero call de sa carrière : celui où il se montre tel qu’il est.
