Las Vegas en version littéraire : le guide décalé et inspiré de Jérôme Schmidt

Le Nevada, côté roman noir. Oubliez les guides touristiques tapageurs et les topos sur « les meilleures buffets de Vegas ». Ce n’est pas le programme que vous propose Jérôme Schmidt.

Avec Las Vegas, son nouvel ouvrage paru le 22 mai dans la collection Premier voyage des Éditions L’Arbre qui Marche, l’écrivain-rédacteur-réalisateur nous livre un carnet de route aussi subjectif qu’habité. Une flânerie littéraire à travers une ville-mirage qu’il arpente depuis deux décennies, entre tables de poker et arrière-cours désertiques.

Un city guide dans le viseur, une caméra dans la tête. Schmidt n’écrit pas sur Las Vegas, il la raconte comme un vieux partenaire de jeu : avec tendresse, lucidité et parfois une pointe de cynisme. Lui qui a co-signé That’s Poker, documentaire culte sur le circuit pro, et livré pendant des années ses chroniques pour Poker52 et Club Poker Radio, connaît chaque recoin de Sin City, jusqu’à ses lumières les plus troubles.

Son Vegas n’est ni celui des néons de carte postale, ni celui des influenceurs en goguette, mais plutôt un terrain d’observation quasi sociologique, où l’on croise un escroc à la petite semaine, une danseuse gothique, un joueur ruiné et un milliardaire en méditation.

128 pages, cinq itinéraires, zéro cliché. Le livre se lit comme un roman à épisodes, sans chapitre ni GPS. On passe du Bellagio à Red Rock Canyon comme on saute d’un taxi à un trip halluciné. Un fil rouge relie pourtant cette odyssée : le hasard, cette idole païenne qui rythme les vies à Las Vegas. Pas étonnant que ce soient souvent les joueurs qui s’en sortent le mieux dans ce récit—pas ceux qui gagnent, mais ceux qui savent perdre.

À lire avec ou sans billet d’avion. Le texte de Schmidt s’adresse autant au joueur pro en pèlerinage qu’au rêveur fauché resté à la maison. C’est une invitation à traverser la ville à hauteur d’homme, loin des projecteurs, là où le bitume chauffe et où le rêve américain s’éraille. Une plongée sensorielle, souvent drôle, parfois mélancolique, mais toujours d’une grande finesse d’observation.

Un objet hybride, entre travel book, roman choral et ode à l’imperfection. Le style, acéré et poétique, évoque autant Bukowski que Hunter S. Thompson, avec ce supplément d’âme qu’ont ceux qui, à force d’y revenir, ont cessé de croire que Las Vegas allait changer.

À glisser dans sa valise ou à garder sur sa table de chevet. Las Vegas de Jérôme Schmidt n’est pas un guide. C’est un pass. Une carte d’accès à un monde parallèle où tout peut arriver – et où, souvent, rien ne se passe comme prévu.